Les enfants trouvés de Parthenay (Chapitre IV, partie 1)

(la série d’articles sur le sujet des « enfants trouvés de Parthenay » a été rédigée par Guillaume Kalb avec l’aide de Paule Morin et a d’abord été publiée sur la liste de discussion CGW79 . Guillaume a souhaité les rendre disponibles à tous via ce blog et je l’en remercie. Je lui laisse maintenant la parole, pour cette préface et ces nombreux chapitres qui seront mis en ligne au fur et à mesure)

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Dans ce chapitre (en plusieurs parties) je veux vous donner une vue sur tout ce que ses enfants avaient avec eux hors leurs vêtements.

Ces vêtements (bonnet, coiffe, brassière, langes, chemise) sont décrits dans tous les actes. Chaque acte accentue par la formulation “… elle a trouvé dans le tour de l’hospice un enfant tel qu’elle le nous présente.” Alors suit la description de haut en bas de ses vêtements : leurs noms, parfois leur état, la sorte de l’étoffe, les couleurs.

Ces données, que je n’ai pas relevées, forment le premier pillier pour le dossier de l’enfant. Il est vrai: l’État prenait soin de ces enfants par une loi de 1792 ou 93, on ne les nommait pas pour rien “enfants de l’Etat”, mais l’attitude était aussi ambiguë. Il fallait faire tout le possible pour que l’enfant pouvait être réuni avec ses parents ou au moins avec sa mère. Si une femme se disait “mère” d’un enfant exposé, souvent des années après, il fallait bien être sûr non seulement qu’elle avait abandonné un enfant, mais surtout….QUEL enfant. C’est pourquoi ce dossier était si important et qu’on gardait les descriptions formulées dans l’acte de naissance. Après que l’officier a inscrit le(s) nom(s) donnés à l’enfant il écrit “…et avons ordonné qu’il fut remis à l’hospice de quoi nous avons dressé procès verbal en présence de (suivent les noms de 2 témoins) “

Si possible on notait aussi d’autres choses qui pourraient aider à confirmer que la femme, qui se disait mère, était bien la mère de cet enfant et pas quelqu’un qui cherchait un ‘ouvrier à bon marché’. Ces choses, si présentes, forment un deuxième pillier et comme c’est noté soigneusement, cela nous donne une impression. Ci-dessous je vous parlerai de ces marques et pour vous donner une vue quantitative sur les diverses marques, je les divise en a. rubans et autre marques en textile b. autres objets c. billets et autres écrits.

Les enfants n’ayant pas une marque :

Sur les plus de 400 enfants observés pour cette période il y avait 209 enfants auxquels on n’a trouvé aucune marque que la mère a donné à son enfant. C’est à dire que la moitié (50,6%) n’avait pas de marque. Les chiffres fluctuent d’année à année entre 27% et 61%.

Tableau 6 : Les Enfants sans aucune marque.

Année 1841 1842 1843 1844 1845 1846 1847 1848 1849 1850
Total 51 enf. 37 enf. 47 enf. 35 enf. 44 enf. 44 enf. 34 enf. 32 enf. 50 enf 39 enf.
Nb sans
marques
30 20 26 20 21 12 17 15 24 24
% 58% 54% 55% 57% 45% 27% 50% 46% 48% 61,5%

En groupant 5 années ensemble: 1841 – 45 : 54,6% sans marque et 1846 – 50 46,2% sans marque. La suite des relèves montreront quelle valeur il faudra attribuer à ces chiffres.

LES MARQUES :

Il est bien de dire que ces marques aussi étaient gardées dans le dossier de ces enfants. Par la complaisance d’Eveline METIVIER qui a fait bien de recherches sur ces enfants à Bordeaux, j’ai pu voir et regarder plusieurs de ces dossiers. C’est une mine riche qui nous informe sur leur vie où et quand ont-ils été placés, leur formation professionnelle, leur formation réligieuse etc. (*1)

Cela arrive régulièrement qu’un certain enfant figure en 2 ou 3 catégories de ces Marques. S’il a un a.ruban jaune au bras gauche, b. une médaille au cou et c. un papier avec son nom, il figure dans 3 catégories. La somme de a+ b + c est donc plus grande que 204 (413 enfants moins 209 sans marque)

  • a) Rubans et autres marques en textile :

    C’était la manière la plus fréquent de “marquer” un enfant. Si j’ai bien compté 105 enfants avaient une telle marque. Les 5 premières années 56 et les dernières chez 49 enfants. En tout donc plus de cent enfants (25%).

    Dans l’acte est noté en géneral où la marque était fixée : au bras droit, cousu sur la brassière, attaché a la manche etc. Mais parce que les mères emploiaent si souvent un ruban, ce ruban était décrit jusqu’en détail : un petit ruban blanc, un petit bout de ruban bleu sale, ,un petit ruban vert, 3 morceaux de ruban blanc 2 aux poignets de brassière et un dans la brassière, un ruban rouge argenté, 5 bouts de ruban de différentes couleurs cousus ensemble, un ruban moiré rose passé, ruban bleu avec une raie rouge sur les bords etc. etc. Il n’y avait pas seulement des Rubans…non. Il y avait un galon rouge, un tissu violet, un brin de laine, une ganse, un gallon de jarretière de campagne, un bout de velours noir, un long morceau de soie verte, morceau de tissu rouge en laine, un lacet de couleur, morceau de coton jaune, morceau d’indienne, morceau de tule, un ruban bleu gaze, morceau de drap brun cousu sur la brassière,.un morceau en coton sur l’estomac. Original , en 1843, un enfant dont la chemise en bas était marqué par 9 lettres en coton : m a d a p o l a et n et dans la même année un enfant ayant 2 rubans, un rouge et l’autre noir, formant une croix. En 1845 un enfant avait sur son bonnet 2 cocardes en ruban violet rouge. Et en 1846 un enfant avait au bras gauche “une gommette verte” (j’ignore qu’est-ce que c’est). Malgré toutes ces différences c’était quand-même la marque la plus faible.

  • b) Objets :

    Leur nombre est beaucoup plus petit : 14 enfants de 1841-45 et 31 de 1846-50. Nous ne pouvons pas encore savoir si ce doublement est significatif. Les objets sont plus ‘personnels’ que les rubans et autre morceaux de textile bienque nous trouvons là aussi d’expressions plus personnelles dans le rayon Textile, entre autres : cocarde, ensemble de plusieurs couleurs. Je veux laisser passer en revue les objets année par année.

    • 1841.

      Objets chez 3 enfants : “dans l’oreille gauche une petite boucle en or”; “un gallon blanc passé a son cou en forme de scapulaire avec une médaille” et le 3e avait un petit christ en cuivre et un collier de perles noires au cou.

    • 1842.

      Que 2 enfants avec un objet mais… bien spécial! Un enfant a outre une marque par un rubans aux 2 bras “un petit sac de sel au cou”. Qu’est-ce que cela veut dire? Il faut le considérer comme une sorte de talisman. Le sel était l’assurance que le Malin se tenait à distance. (*2). Le 2e objet est encore plus rare : dans l’acte 104 (vue 276) on peut lire que “ cet enfant avait un second trousseau” (..) de 5 chemises, 2 brassières un en drap gris foncé et l’autre en indienne fond brun à fleurs blanches, 4 serretête, 4 coëffes, 4 bonnets, 12 drapeaux [ ça sert comme couche, guill.k], 6 langes, 1 couverture doublée. La seule fois sur 400 que j’ai vu une telle “richesse”.

    • 1843.

      Deux enfants avec une médaille “ une médaille attaché à une ganse noire” et “seulement une petite médaille à l’effigie de Sainte Radegonde au cou”.

    • 1844.

      Encore que 2 objets “Une médaille en argent passée au cou” et “au cou un collier aux perles bleus”.

    • 1845.

      Cette année il y a 5 enfants avec un objet. Mais…miracle! 5 fois le même objet : la Médaille miraculeuse (*3) : “au cou la M.m. en argent”, “au bras gauche la M.M. passée dans un ruban violet”, “au cou suspendu par une ganse noire la M.m. “, et même 2 fois la même description: “Au cou la M.m. argentée passée dans une ganse noire” . Je suppose qu’il y a eu une – ou des mission(s) à Parthenay et/ou aux alentours auxquelles ces médailles ont été distribuées génereusement.

[Dans la suite de ce chapitre je vous parlerai des objets des années 1846 – 1850 et des billets (très intéressant) qu’on a trouvé sur les enfants de 1841 – 1850.]

(à suivre)

Guillaume KALB

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Notes Chapitre IV partie 1 :

*1). Grâce à elle j’ai pu prendre connaissance aussi de la maîtrise sur la dénomination de ces enfants à Bordeaux. Maîtrise écrite par Evelyne MOREAU Une étude très bien faite et qui suit les enfants aussi dans leur vie. Etude qui va donc beaucoup plus loin que mes recherches à Parthenay.
*2). Même maintenant il y a des millions qui y croient p.e. dans les milieux de la Méditation Transcendentale, – du Maharishi, James Colpin et son overblog. Le sel fait alors part de la puréfaction et protection. D’une mère desesperée au 19e s. je le comprends bien mais …..anno 2015 ??? Il y a des gens qui rigolent de la réligion mais qui sont incroyablement superstiteux.
*3). Comme cette médaille apparaît ici et qu’on la voit nommée aussi dans quelques années après 1845 et qu’elle n’est (peut-être) pas si connue par le lecteur d’aujourd’hui , je vous donne ici une explication. Cette médaille a été frappée à partir de 1831/32 et elle est appellée officiellement “miraculeuse” depuis 1834. Elle trouve son origine dans l’apparition de Sainte Marie à Catherine LABOURÉ (1806 – 1876) en 1830 : juillet (la nuit du 18 au 19) et le 27 novembre et en décembre, durant son noviciat (ou ‘seminaire’) chez les Filles de Charité ( ou Les Soeurs de Saint Vincent.de Paul ou “les soeurs volantes”) 140, Rue du Bac, Paris (VIIe). À cette adresse on peut voir le corps de Catherine dans une chasse en verre. Moi, je ne crois pas en apparitions et pourtant celles de Catherine, je les trouve sympa. Pourquoi? Elle n’a jamais cherché la publicité ou la gloire. Elle n’en a parlé qu’à son confesseur. Celui-là était sceptique mais il a été convaincu. Catherine croyait que sainte Marie lui avait donné une mission et elle s’en est acquitté en parlant avec son confesseur. Cette “mission” devait se concrétiser par une médaille dont Catherine a donné la description à Aladel, son confesseur. Description qu’elle croyait avoir eu de la Vierge. Après cette année, sans doute énervante, Catherine est envoyé en février 1831 à l’hospice d’Enghien , 12 Rue Picpus où elle a travaillé et vécu des dizaines d’années en silence jusqu’à sa mort fin 1876. Elle s’occupait du jardin potager et soignait les vieilles gens de l’hospice. Son corps a été inhumé au caveau de l’hospice où il est exhumé en très bon état en 1933 à cause du processus de sa béatification. On l’a nettoyé, mis d’autres habits et on l’a mis dans la chapelle 140, rue du Bac dans une châsse en verre où elle est visible pour les centaines de pélerins qui y passent chaque jour (c’est pourquoi qu’il y a aussi toujours des mendiants devant cette porte au140, rue du Bac). La chapelle s’appelle maintenant Chapelle de la Médaille miraculeuse. Catherine a été béatifiée en 1933 par Pie XI et canonisée en 1947 par Pie XII. Pape Paul VI l’a visitée en 1980. Un 2e élement que je trouve sympa : pas la grande commercialisation comme on voit à Lourdes, à Fatima et ailleurs.
Entre 1832 et 1837 il y a eu 10.000.000 de médailles frappées et en 1876 on en avait vendu 1 milliard. On peut la toujours acheter et l’effigie est très connue. Il y a encore beaucoup à dire non seulement de cette médaille et apparitions mais ça dépasserait trop ce sujet. Les choses décrites ci-dessus sont fortement liées au dogme (1854) de la Conception immaculée de Marie et l’apparition de sainte Marie à Bernadette Soubirous en 1858.
Pour fermer ce dossier je vous indique qu’Anne BERNET a publié un livre sur Catherine (2001) mais aussi sur Bernadette (2008) mais aussi sur votre Radegonde (2007) et encore bien d’autres femmes. C’est une Parisienne qui vit à Laval (Mayenne) Une écrivaine/historienne très productive qui appartient à l’aile conservatrice de l’Église .catholique. Elle est très active dans le processus de béatification de l’abbé Michel GUÉRIN (1801-1871), 1er curé de Pontmain(53) pendant l’apparition mariale en 1871.

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